Poisson d'avril by Bruce Jean

Auteur:Bruce,Jean [Bruce,Jean]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Espionnage
Éditeur: Presses de la Cité
Publié: 1960-01-22T05:00:00+00:00

1er avril – 1 heure 40.

— À quoi penses-tu ? demanda Monika.

Gérard Hardouin ne répondit pas. Il pensait à Marie-Jo, à Marie-Jo qu’il avait sacrifiée pour la réussite de son plan… Marie-Jo qui lui avait appartenu corps et âme…

Marie-Jo qui lui avait été dévouée comme il n’est pas permis de l’être… Marie-Jo qu’il avait tuée, comme le braconnier qui tue son chien avant de mourir lui-même.

Sa gorge se serra. Il prit son verre et but le fond de whisky qui s’y trouvait encore. Mal à l’aise, Monika lui toucha le bras.

— Tu en veux un autre ?

— Non.

Il était décidé à boire le moins possible. Il voulait être parfaitement lucide lorsque le moment arriverait. Monika lui avait raconté sa vie. Elle était née à Reims et s’appelait en réalité Monique. Ses parents avaient divorcé cinq ans plus tôt et sa mère s’était remariée avec un représentant de commerce allemand. Ils s’étaient installés à Hambourg, mais Monika ne s’entendait pas avec son beau-père. Elle était partie et gagnait sa vie en faisant l’entraîneuse aux Folies de Paris…

— Demain, dit-elle, il faut que je donne cent marks pour ma chambre.

Il la regarda, étonné. Cela faisait la troisième fois qu’elle parlait de son loyer.

— Es-tu vraiment si fauchée ?

Elle haussa les épaules.

— Tu devrais changer de métier, reprit-il. Ce n’est pas un métier pour une fille comme toi… Regarde tes copines, regarde les gueules qu’elles ont et pense que dans quelques années tu seras comme elles… Fiche le camp pendant que tu es encore fraîche et jolie…

— J’ai déjà des poches sous les yeux… Sers-moi à boire.

Il la servit.

— Pourquoi ne bois-tu pas avec moi ?

— Je n’ai pas envie de boire.

Elle jouait avec son décolleté, écartant le tissu sur ses jeunes seins, durs et gonflés. Elle pensait qu’après tout, elle était en train de gagner de l’argent bien agréablement. Cet homme lui plaisait. Il était bien élevé, courtois, parfois presque tendre… Il glissa son index dans la pointe du décolleté et tira le corsage pour regarder dedans. Elle le laissa faire.

— Pas mal, apprécia-t-il. Pas mal du tout.

Il chercha sa bouche. Il redevenait enjoué, entreprenant.

— Allons-nous-en, proposa-t-il.

Sachant fort bien qu’elle ne pouvait partir :

— Où ?

— Chez toi, chez moi… N’importe où.

— Quoi faire ?

— Dormir.

— Ensemble ?

— Bien sûr. Je ne veux plus te quitter.

— Tu ne dormirais pas… Je sais bien ce qui arriverait. Tu me déshabillerais, tu m’embrasserais, tu me prendrais dans tes bras, tu me porterais sur le lit et… Non, non, merci. Pas de ça !

Il ne put s’empêcher de rire.

— Moi, je pense que ce serait très agréable.

— D’ailleurs, je n’ai pas le droit de partir avant quatre heures, sinon je ne suis pas payée.

— Je compenserais ça.

— Non, vraiment. Je suis une fille sérieuse.

Il prit sa tête dans ses mains, enfonça ses doigts dans les cheveux flous, la regarda longuement, puis l’embrassa sur la bouche. Elle se serra contre lui et lui rendit son baiser… Un instant plus tard, il dit sans raison :

— C’est

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